Les larmes du ciel et la vomissure de la terre
Je suis un rat qui contemple la lune en soupirant. J'aimerais être son enfant – ou celui du soleil. Je ne suis ni doré ni argenté, hélas, je suis gris comme la pluie, marron comme la boue.
Je suis un rat qui contemple la lune en soupirant. J'aimerais être son enfant – ou celui du soleil. Je ne suis ni doré ni argenté, hélas, je suis gris comme la pluie, marron comme la boue.
Le Malin a déposé deux obstacles sur mon chemin: la bouteille et l'oreiller. Il est si difficile de courir vite et de sauter haut, si difficile de refuser l'ivresse et les songes...
Lorsque le Malin me tend une bouteille et me dit « Enivrons-nous! », je lui demande d'abord ce qu'il a à me proposer. C'est-à-dire: quel type de rêve va-t-il m'offrir lors de notre ivresse commune. « Rien, me répond-il, je ne t'offrirai aucun rêve valable!... je te laisserai parler; tu seras drôle, j'espère, et stupide, et amer... »
Dès que je montais dans l'arbre, un écureuil venait m'embêter en me montrant par son agilité combien j'étais lent, malhabile et pataud. Moi qui adorais grimper aux arbres, j'en perdais le plaisir.
Le jour où je ne vis plus cet écureuil de malheur, je m'en réjouis. Lorsque je découvris la cause de se disparition, je fus quand même un peu triste: un gorille l'avait mangé.
Ce
singe, hélas, fut aussi taquin que sa victime. Il ne pouvait me
laisser grimper aux arbres sans se moquer de moi en mimant ma
lourdeur ridicule.
Si je ne suis qu'un pion dans le grand jeu de l'Histoire; si je ne suis qu'un pion dans le jeu de la petite histoire; et même si je ne suis qu'un pion dans le jeu familial – dans le jeu unique de mon journal intime, je suis l'horizon indépassable.
Je parviendrai à exister lorsque je deviendrai autre chose qu'une identité normale et passive qui suit le cours de la vie sans se soucier des émotions ressenties par autrui. Je parviendrai à exister lorsque je deviendrai: un événement.
Assis sur un banc public, je fais semblant de tricoter. Je veux faire croire aux grands-mères que je suis en train de fabriquer un beau chandail, mais mes pelotes de laine ne donnent pas l'impression d'être autre chose que des pelotes de laine. Sur mes genoux, attaquées par les aiguilles, elles se transforment éventuellement en nouilles. Nigaud que je suis, c'est le seul moyen que j'ai trouvé pour séduire les grands-mères alors qu'il aurait suffi de leur montrer mon torse!
Pris dans la folie d'une partie de bulijard je décide de miser mes restes de fortune. Il s'agit moins d'espérer gagner que de rester dans le groupe. Cette bande d'amis est si bath que je miserais mes os pour ne pas avoir à la quitter. Ils ont beau me plumer, tricher peut-être, ils m'aiment!
Il me fait si peur que je le frappe.
Il me fait si mal que je l'embrasse.
Je l'aime tellement que je le fuis.
Je le méprise tellement que je le flatte.
Il m'émeut si peu que je le caresse.
Il me trouble tellement que je l'agresse.
QUI SUIS-JE?